Liste des emissions radio sur le sujet de l'agriculture post-pétrole

  1. Une agriculture contre le réchauffement climatique
  2. Une agriculture sans énergies fossiles (2)
  3. Une agriculture sans énergies fossiles (1)

Une agriculture sans énergies fossiles (première partie)

Ecouter l'émission du 20/10/2023 Logo rcf

Pendant l’été 2023, plusieurs agriculteurs m’ont parlé de leur façon de travailler. Ceux d’entre eux qui pratiquent une agriculture conventionnelle se sentent sous pression à cause des sécheresses à répétition et à cause de l’augmentation du prix des engrais azotés. Le coût de ces engrais dépend à 80 % du prix du gaz. L’année dernière, quand le prix du gaz a été multiplié par 6, le prix des engrais azotés a été multiplié par 5. Sans ces engrais, les rendements de l’agriculture conventionnelle sont divisés en moyenne par trois.

Les monocultures de blé et de maïs ou les bicultures blé-maïs appauvrissent les terres. Au bout de 30 ans, cet appauvrissement ne peut plus être compensé par des apports d’engrais chimiques et les rendements de ces monocultures diminuent, quelque soit la quantité d’engrais chimique utilisée. Dans l’État du Tamil Nadu en Inde, dans les années 1990, la production de feuilles de thé n’a cessé de diminuer pendant dix ans malgré l’augmentation d’intrants chimiques ; les sols étaient trop dégradés, dépourvus d’humus. Des chercheurs ont alors réintroduit des vers de terre d’une espèce commune à cette région, ont laissé sur place les résidus de la taille des théiers et les ont associés à du compost. « Le résultat fut spectaculaire. Après trois ans seulement, la production de feuilles de thé a augmenté de 35 % à 240 % ».[1]

Pour la production de céréales, environ 700 millions d’hectares sont cultivés de par le monde. La conversion de ces surfaces agricoles à une agriculture durable va nécessiter des quantités inimaginables de matière organiques. Pourtant, ces matières organiques réduiraient considérablement les besoins en engrais azotés et rendraient les plantes plus résistantes en cas de sécheresse.

Dans l’Union européenne, on cultive environ 50 millions d’hectares de céréales avec la méthode conventionnelle.[2] En supposant qu’après la moisson, on laisse la paille dans les champs, cela représenterait un tiers de la matière organique nécessaire pour une culture durable de céréales. Il manquerait alors chaque année pendant 5 à 10 ans environ 600 millions de tonnes de matière organique, et où les trouver ? Dans les villes !

Parmi les personnes qui réfléchissent à l’agriculture dans la société post-pétrole, il y a quasi-unanimité pour dire que la ville doit rendre les matières organiques à la campagne. Les céréales continueront à être produites en dehors des villes, mais en échange, les villes devraient rendre aux campagnes l’azote, le potassium et le phosphore qu’elles évacuent via les égouts. Dans plusieurs communes de Bretagne et aussi à Genève, il existe déjà des quartiers dans lesquels le produit des toilettes est composté et donné aux agriculteurs. Cette façon de reconstituer l’humus rend l’agriculture également plus résiliente face aux sécheresses à répétition, qui vont encore s’aggraver avec le réchauffement climatique. Le « tout-à-l’égout » du 20e siècle, qui mélange matières organiques et produits toxiques, est donc incompatible avec un monde aux énergies fossiles rares et coûteuses. Le problème est également partiellement d’ordre psychologique et philosophique.

Pour réaliser plus facilement cette transition de l’agriculture, les humains, et en particulier les jeunes générations, devraient être à l’aise avec leur corps, la nature et le monde agricole. Il faudrait peut-être d’abord se réconcilier avec le Créateur afin de changer notre vision de la création, de la nature, de l’agriculture et des processus biologiques de notre propre corps. Le livre "Pratiquement durable" y consacre un chapitre.

 

Une agriculture sans énergies fossiles (deuxième partie)

Ecouter l'émission du 25/04/2023 Logo rcf

Un siècle d'énergie bon marché a rendu l'agriculture très énergivore et très « économe » en main-d'œuvre. Depuis 70 ans, cette agriculture économe en main-d'œuvre a dépeuplé les zones rurales et peuplé les métropoles.

Mais si, en 2050, nous devons vivre avec 2 à 3 fois moins d’énergie afin de réduire considérablement notre contribution au réchauffement de la planète, l’agriculture va devoir changer profondément, et pas seulement à cause des sécheresses à répétition.

La production d'engrais chimiques et produits phytosanitaires est très énergivore. Quand, l’été dernier, le prix du gaz naturel a été multiplié par 6, le prix des engrais azotés a été multiplié par 5, car leur production consomme d’énormes quantités de gaz. Si la politique agricole ne change pas, sans énergies fossiles bon marché, les prix de l’alimentation vont fortement augmenter, ce qui va être difficile pour les personnes aux revenus modestes. Cela risque même de provoquer des émeutes de la faim.

Mais heureusement, il existe des solutions pratiques et durables. Plusieurs amis agriculteurs avec des grandes exploitations ont des très bons rendements, quasiment sans engrais chimiques. Ils pratiquent soit une des formes de l’agriculture biologique, soit l’agriculture de conservation. Pour remplacer les engrais chimiques énergivores, ces formes d’agriculture ont besoin de très grandes quantités de matière organique, par exemple le fumier des animaux ou des résidus de plantes comme la paille.

Mais que faire avec les 50 millions d’hectares de céréales conventionnelles de l’Union européenne ? Pour les transformer en agriculture de conservation, en plus des engrais verts, il nous faudrait 600 millions de tonnes de matière organique issues des villes. Malheureusement, les boues des stations d’épuration sont beaucoup trop polluées par des métaux lourds, des médicaments et des poussières de pneus des voitures. Aujourd’hui, les matières organiques des villes sont perdues, mais il existe d’autres solutions locales.

Plusieurs quartiers en Bretagne, à Genève et ailleurs montrent le chemin. Soit les habitations possèdent des toilettes sèches, soit le quartier possède son propre système d’assainissement biologique avec récupération de l’eau de pluie. Une coopérative d'habitants à Genève, regroupant 50 logements, a investi dans un tel système et a aussi fait un contrat avec un agriculteur. L’agriculteur apporte quelques bottes de paille 2 fois par an et récupère du compost pour ces champs, économisant ainsi des engrais chimiques. Les habitants du quartier n’ont plus besoin de payer la taxe d’assainissement et divisent la facture d’eau par 2 ou par 3. L’investissement est amorti en moins de 5 ans et devrait être intéressant pour la plupart des lotissements et immeubles d’habitation. En ville, ce type de système d’assainissement biologique peut être placé sous un parking.

En parlant des problèmes et solutions pour l’agriculture depuis des années, je rencontre souvent la même réaction : mes interlocuteurs trouvent l’idée de toilette sèche ou de système d’assainissement biologique dans le quartier « dégoûtant », même si ces systèmes ne dégagent pas d’odeurs et sont hygiéniques. Ces sentiments montrent que les humains ne sont pas à l’aise avec une partie de leur corps, contrairement à tous les autres mammifères de la planète. Les humoristes exploitent le même malaise avec une partie du corps en faisant des blagues sur la sexualité. Rien de plus facile pour faire rire leur public.

Les auteurs bibliques expliquent cette particularité humaine par leur séparation de Dieu. Adam et Eve voulaient être autonome, indépendant, autonome comme Dieu (nomos veut dire loi en grec). Ainsi, ils ont perdu leur lien spirituel avec Dieu et sont devenus mal à l’aise aussi bien avec leur nudité et qu'avec leur esprit. L’analyse des auteurs bibliques sur l’état des humains est bonne, leur proposition du remède aussi. Un chapitre du livre "Pratiquement durable" parle de ces sujets.

 

Une agriculture contre le réchauffement climatique

Ecouter l'émissions du 28/09/2023 Logo rcf

Ces dernières semaines, j’ai lu plusieurs articles extrêmement élogieux dans des grands journaux concernant de nouvelles machines, qui extraient des gaz à effet de serre de l’atmosphère et le stockent en forme liquide dans le sous-sol. Deux usines pilotes, l’une en Suisse et l’autre en Islande, sont devenues des lieux de pèlerinage pour des technophiles, qui croient que les problèmes du réchauffement climatique peuvent être résolus par la technique seule. Aucun des articles élogieux de ces machines n’a mentionné leur bilan énergétique. Mais ces usines consomment 1000 kWh d’électricité pour sortir 1 tonne de gaz carbonique de l’atmosphère [3]. Si on voulait extraire de l’atmosphère tout le CO2 que le énergies fossiles émettent, ces usines consommeraient une fois et demie l’électricité produite dans le monde aujourd’hui. C’est totalement irréaliste. J’ai parfois l’impression que ni les journalistes, ni les économistes se préoccupent de la réalité et des lois de la physique.
Pourtant, il existe d’autres solutions pour sortir le CO2 de l’atmosphère et de le remettre dans le sol. Lors de la conférence sur le climat de Paris en 2015, les gouvernements ont décidé de promouvoir une forme d’agriculture qui permet de stocker des millions de tonnes de CO2 dans le sol. En plus, cette forme d’agriculture permet d’économiser de l’énergie. L’initiative de la COP21 de Paris s’appelle 4 pour 1000, car elle permet de remettre 0.4 % de carbone dans le sol. La méthode agricole s’appelle « agriculture de conservation ». Cette technique agricole ne laboure plus et économise donc le carburant des tracteurs. Elle laisse un maximum de matière organique sur les champs. Elle récolte le blé mais laisse la paille sur les champs. La terre n’est jamais nue non plus, car après la récolte, on sème des plantes qui captent l’azote qu’on appelle « engrais vert ». En plus, ces plantes permettent d’enrichir le sol.
En utilisant cette méthode, plusieurs de mes amis agriculteurs ont de très bons rendements, mais avec très peu d’engrais chimiques. En effet, produire des engrais chimiques azotés nécessite beaucoup d’énergie, l’agriculture de conservation permet donc d’importantes économies d’énergie.

Voilà donc deux solutions pour faire quelque chose contre le réchauffement climatique, l’une très coûteuse et énergivore, l’autre quasiment gratuite avec un bilan énergétique très positif.
Pourquoi les journalistes, les politiciens et les économistes ne s’intéressent-ils pas à cette forme d’agriculture et s’émerveillent-ils devant des solutions technologiques irréalistes ? C’est difficile à comprendre, car déjà il y a 8 ans, la conférence de Paris a reconnu l’utilité de cette agriculture de conservation ! Je n’ai qu’une explication pour cet aveuglement : nos élites ont perdu le contact avec la nature, avec l’agriculture et avec la réalité physique.
Actuellement, le prix de la tonne de CO2 sur le marché européen du stockage de carbone est environ 100 € la tonne [4]. L’agriculture de conservation peut stocker jusqu’à une tonne de carbone par ha et par an, ce qui équivaut 4 tonnes de CO2. Si on permettait aux agriculteurs de participer à ce marché, ils pourraient recevoir 400€ par an et par ha pour le stockage de carbone dans le sol, ce qui financerait le coût de la conversion vers l’agriculture de conservation. Tout le monde serait gagnant : Le climat, la transition énergétique, la qualité des aliments et la qualité du sol qui résisterait mieux aux sécheresses.

D’après les textes bibliques, l’être humain a été créé par Dieu pour vivre dans un jardin pour le cultiver. Mais Caïn, le premier meurtrier, et Nimrod, le premier guerrier, ont préféré construire des villes et vivre loin de Dieu et de la nature. Si nous voulons réconcilier les grands centres urbains et la ruralité d’une manière générale, il faudrait peut-être d’abord se réconcilier avec Dieu.

Notes

[1] Daniel Nahon, Sauvons l’agriculture !, page 134

[2] Source : USDA pour 2018/2019

[3] MCC Berlin, Filtering a tonne of CO2 from the air burns a thousand kilowatt-hours of energy ; 29.10.2019

[4] https://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/prix-carbone-europeen-haut-01/03/2023,48320